12/11/12 A NOUS TEXTE: SONIA DESPREZ 38 • AFFAIRES CULTURELLES EXPOS “The Museum of Everything” par la Chalet Society art contemporain_ Sur trois étages en plein cœur du VIIe , une riche exposition d’artistes marginaux donne le coup d’envoi de la Chalet Society, centre d’art itinérant d’un genre nouveau. A suivre absolument. Qu’est-ce que The Museum of Eve- rything, « le musée de tout » ? La formidable collection d’un homme, James Brett, qui sillonne le monde entier depuis des années à la re- cherche d’artistes marginaux, c’est à dire « qui n’ont ni intention, ni éducation, et ne créent pas pour le marché mais pour eux-mêmes». Dans son exposition parisienne, l’expo montre, sur trois étages, 500 œu- vres du XIXe au XXIe siècle avec, pour chaque artiste, un vaste (et souvent émouvant) ensemble. Et qu’est-ce que la Chalet Society ? C’est l’originale entité qui accueille The Museum of Everything. Imaginée par Marc-Olivier Wah- ler, qui a notamment dirigé des institutions d’art pendant vingt ans (dont le Palais de Tokyo) et de- meure commissaire, chercheur et conférencier dans le monde entier, c’est une initiative d’un genre nou- veau. « Les artistes produisent et bougent vite, ils ont une grande li- berté », constate celui qui réfléchit, depuis des années, à de nouvel- les façons de présenter l’art au pu- blic. « Les institutions, elles, sont len- tes. Je voulais repartir de zéro, créer quelque chose qui soit vraiment au service des artistes. » C’est ainsi que naît Chalet Society, pas un nouveau musée donc, mais une entité souple et nomade, qui s’adapte à différentes structures, lieux, ar- chitectures, durées, sur le modèle du « software, qui a pris aujourd’hui le pas sur le hardware». Pour aller plus loin dans l’analogie informatique, la Chalet Society pro- pose aussi un modèle “open source”: ses membres, y compris Marc-Oli- vier Wahler, sont entièrement bé- névoles, et les projets sont unique- ment financés par des fonds privés. Ainsi l’incroyable ancienne école du boulevard Raspail dans laquelle est installé le Museum of Every- thing à été gratuitement mise à disposition par Laurent Dumas, patron d’un grand groupe immo- bilier et collectionneur très impli- qué dans le monde de l’art. La Chalet Society y programmera pendant un an (jusqu’à l’obten- tion du permis de construire) des expos avec « également des artis- tes du marché, mais toujours des choses surprenantes : expos en pho- tocopies, expos en interaction avec le lieu, projets spéciaux... ». Et elle ne s’arrêtera pas là : « On a déjà d’autres idées de lieux, notamment dans le Marais. » Si le Museum of Everything est le premier choix de programmation de Marc-Olivier Wahler, c’est qu’à plusieurs égards, il rejoint les valeurs de la Chalet Society : en refusant les catégories, d’abord. « Il ne de- vrait pas y avoir les étiquettes de Beaux-Arts, art brut, art concep- tuel, etc., estime-t-il. Il y a juste des gens créatifs, qui ont des cho- ses à dire dans différents domaines. On encourage la curiosité sans a priori. Refuser les hiérarchies, c’est une façon de revoir l’histoire. Ce qui est d’ailleurs intéressant c’est que les artistes inconnus du Mu- seum ont influencé de grands artistes reconnus qui, eux, les connaissent souvent bien ! C’est donc une sorte de chaînon manquant de l’histoire de l’art. » C’est le deuxième point commun entre le Museum et la Chalet : fédérer une communauté mon- diale de gens passionnés par l’art. Car pour chaque artiste ex- posé, James Brett a eu la bonne idée de faire écrire les cartels par des gens de renom, commissai- res, écrivains, artistes, parmi les- quels Thurston Moore (co-fonda- teur de Sonic Youth), David Byrne (ex-Talking Heads) ou Ed Rusha, Martine Franck, Marc Jacobs, Chris- tian Boltanski... Une invitation généreuse à s’ap- proprier l’art à sa façon, dans un lieu où l’on est fort bien reçu, grâce au travail, bénévole donc, des deux autres membres fondateurs de la Chalet Society : Artevia, agence de développement de projets culturels, et l’Art en direct, agence de communication par l’art contemporain. « Je fais tout pour que ça se développe, conclut Marc-Olivier Wahler, mais je ne sais pas où ça va mener. On a souvent vu dans le système capi- taliste que la gratuité engendre le profit. Peut-être que ça peut marcher dans le monde de l’art, au service des artistes ? » Expé- rience à suivre. S.D. The Museum of Everything, jusqu’au 15 décembre, du mercredi au dimanche de 10 h à 22 h, à la Chalet Society, 14 , bd Raspail, 7e . Entrée : donation conseillée de 5 ¤. Une boutique très originale propose sur place toutes sortes d’objets et de vêtements autour du Museum of Everything, à partir de 5 ¤. Installée dans une ancienne école du boulevard Raspail, la Chalet Society compte programmer des expositions sortant de l’ordinaire et du cadre institutionnel, comme The Museum of Everything qui rassemble l’étonnante collection de James Brett. Photos Nicolas Krief/© The Museum of Everything 2012 Nov 2012